• Nov 4, 2025

Ce que les entrepreneurs "oublient" de dire sur Dubaï

  • Antoine BM

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Il y a un truc qui me fait halluciner en ce moment.

Ce sont tous ces entrepreneurs VRP de Dubaï.

Tu les connais. Ils sont partout sur LinkedIn et Instagram. Toujours bronzés, en polo blanc, dans un hôtel avec vue sur des gratte-ciels.

Ils passent leur temps à critiquer la France. Les impôts, la bureaucratie, le système politique, la mentalité de victime, la jalousie, les grèves.

Puis ils te vendent Dubaï comme le paradis sur terre. Le soleil, les piscines à débordement, la liberté d'entreprendre, les 0% d'impôts, l'énergie et le mindset.

Je n'ai rien contre Dubaï. Je n'ai rien contre ceux qui y vivent. Vraiment.

Mais il y a un détail qu'ils oublient systématiquement de mentionner. Un détail qui change absolument tout et qui décrédibilise une bonne partie de leur discours.

Je suis allé à Dubaï en 2020.

J'ai voyagé dans plus de 40 pays. J'ai dormi dans des auberges de jeunesse en Asie du Sud-Est, j'ai campé dans le désert marocain, j'ai traversé le Pérou en bus de nuit.

Dubaï est le seul endroit où j'ai dû écourter mon séjour. Impossible de tenir plus de 5 jours.

Pourquoi ? Parce que c'est invivable.

Impossible de marcher. Tout est conçu pour la voiture et les taxis. Entre deux buildings climatisés, tu traverses un parking surchauffé où l'être humain n'est pas le bienvenu.

Tout n'est que centres commerciaux gigantesques, plages artificielles et tours de verre sans âme. C'est une ville Lego construite en 20 ans par des promoteurs immobiliers pour attirer des touristes et des expatriés fortunés.

Il n'y a pas de vie de quartier. Pas de petits cafés où tu peux t'installer avec un livre. Pas de trottoirs ombragés où tu peux te balader. Pas de culture locale accessible, pas de scène artistique underground, pas d'imprévu.

C'est une ville morte de 3 millions d'habitants.

J'ai enchaîné les hôtels de luxe. Les piscines à débordement. Les restaurants étoilés. Mais je ne me sentais bien nulle part.

J'ai fini par m'isoler dans le désert pendant 5 jours avant de prendre mon avion retour, juste pour retrouver un peu de nature et de silence.

Bon, ça c'est mon avis perso. Et je le dis clairement : j'ai plein d'amis qui adorent Dubaï. Certains y vivent depuis des années et ne changeraient pour rien au monde.

Je respecte ça. Chacun son truc.

Mais voilà le problème.

Ce que je viens de te dire là, ces critiques, tu ne les entendras JAMAIS de la part d'un entrepreneur qui vit à Dubai.

Pourquoi ?

Parce qu'ils n'ont pas le droit.

Et là, je vais devoir me montrer très prudent. Parce que ce que je vais dire maintenant, ça peut me causer des ennuis.

Et j'aimerais pouvoir retourner un jour aux Émirats sans me faire arrêter à l'aéroport.

C'est aussi pour ça que je fais un email et pas une vidéo comme je l'avais prévu au départ.

Je vais donc me contenter de rapporter des faits avérés, vérifiables, connus.

Aux Émirats Arabes Unis, la loi sur les médias impose 20 normes obligatoires à respecter pour le contenu publié sur les réseaux sociaux. Ces normes interdisent notamment de critiquer ou de se moquer du pays, de ses coutumes, de sa religion, des institutions gouvernementales et de leurs politiques, des entreprises (y compris les prestataires de services et les restaurants), et des personnes.

Les amendes peuvent aller jusqu'à 1 million d'AED, soit environ 250.000 euros.

Certaines violations peuvent entraîner une expulsion immédiate du territoire. D'autres peuvent mener à une peine de prison.

Ça, ce sont les faits. Ce n'est pas mon opinion. C'est écrit dans la législation émiratie.

Je ne critique pas ces lois. Chaque pays a ses règles, son histoire, sa culture, son fonctionnement. Les Émirats ont le droit de légiférer comme ils le souhaitent sur leur territoire.

Ce que je critique, c'est le discours à double standard de ces entrepreneurs.

D'un côté, quand ils parlent de la France ou de l'Europe, ils se lâchent. Ils attaquent sans modération les institutions gouvernementales et les politiques publiques.

Ils te disent que la France est un pays communiste, que l'État te vole, que les fonctionnaires sont des parasites, que Macron est un dictateur.

Précisément ce qu'il est interdit de faire dans le pays dans lequel ils vivent.

Puis, dans la même vidéo, ils te vantent les mérites de Dubaï. Le dynamisme, la liberté d'entreprendre, la qualité de vie, l'énergie positive.

En omettant bien soigneusement de porter la moindre critique sur les sujets sensibles. Parce qu'ils savent très bien ce qui les attend s'ils le font.

Alors ils se taisent. Ils sourient. Ils postent des photos devant le Burj Khalifa avec des légendes inspirantes sur la liberté.

Bien sûr, ils ont le droit d'aimer Dubaï. Je ne remets pas en cause leur sincérité.

Mais s'ils avaient un peu d'honnêteté intellectuelle, ils devraient commencer chaque post par un disclaimer :

"Attention : ce que je vous dis de la France, je n'ai pas le droit de le dire de Dubaï. Si je critique publiquement le gouvernement émirati, les institutions, ou même un restaurant qui m'a mal servi, je risque une amende, une expulsion, voire la prison. Donc tout ce que vous allez entendre sur Dubaï, c'est uniquement les aspects positifs."

Ça serait plus honnête, mais ce n'est probablement pas l'image qu'ils veulent transmettre de leur pays d'accueil.

Si je te dis tout ça, c'est parce que je devais me rendre à Dubaï dans les semaines qui viennent pour voir des amis.

Mais quelque chose en moi résiste. Quelque chose refuse de prendre ce billet d'avion.

Je ne me suis jamais senti à l'aise dans un pays où je n'ai pas ma liberté d'expression. Où je dois surveiller chaque mot que je dis, chaque story que je poste, chaque avis que je laisse sur Google Maps.

Aucun hôtel de luxe, aucune piscine à débordement au 40ème étage, aucun taux d'imposition à 0% ne pourra changer ça.

La liberté, pour moi, ce n'est pas juste de pouvoir gagner de l'argent sans payer d'impôts. C'est aussi de pouvoir dire ce que je pense. De pouvoir critiquer quand quelque chose ne va pas. De pouvoir être moi-même sans avoir peur.

Et quand je vois des entrepreneurs stars vanter la liberté dont ils jouissent aux Émirats, je ne peux pas m'empêcher de les trouver un peu hypocrites.

N'hésite pas à me dire ce que tu en penses toi aussi, je suis curieux.

Antoine

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